DU PROPHÈTE (Ç) À SON CONTINUATEUR, L'IMAM 'Alî
Al-Hassan doit cette personnalité prestigieuse et cette place privilégiée auprès de la Ummah non seulement à l'apport éducatif direct du Prophète, limité aux sept premières années de sa vie, mais aussi et surtout à la continuité de cet apport, continuité assurée par la présence de l'Imam 'Alî à ses côtés durant toutes les phases de développement de sa personnalité.
Si dans la phase de la première enfance d'al-Hassan - où l'éducation consiste en un milieu sain et un climat d'amour, de tendresse et de tolérance dans lequel évolue l'enfant - le Prophète (Ç) et Fâtimah al-Zahrâ' formaient avec l'Imam 'Alî ce milieu et assuraient ce climat; à partir de sa seconde enfance qui coïncida avec le décès de son grand-père et de sa mère (à huit mois d'intervalle)(55) et où commencent les phases de l'apprentissage et de l'acquisition des connaissances(56), l'Imam 'Alî deviendra son principal maître et éducateur et veillera sur sa formation et sur le perfectionnement de sa personnalité et de son expérience jusqu'à l'âge de 37 ans.(57)
Or, quel meilleur maître et quel meilleur continuateur de l'oeuvre éducative du Prophète que celui dont le Messager de Dieu (Ç) dit: «Je suis la cité du savoir, 'Alî en est la porte», celui qui fut éduqué lui-même par le Prophète et dans la "Maison de la Révélation", celui enfin à qui ce dernier "n'avait rien à cacher des secrets du Message": «Vous connaissez ma proche parenté avec le Messager et ma position particulière auprès de lui», rappela l'Imam 'Alî un jour:
«Il me mettait dans son giron lorsque j'étais tout petit. Il me serrait contre sa poitrine, m'entourait dans son lit, me faisant toucher son corps et sentir son odeur. Il mâchait les aliments avant de me les mettre dans la bouche. Il ne m'a jamais entendu mentir, ni ne m'a jamais vu commettre une faute dans mes actes. Chaque jour il m'apprenait davantage de sa morale et m'ordonnait de suivre son exemple. Chaque année il m'amenait à Herâ'(58), où je le voyais alors que personne d'autre n'avait ce privilège. En ces temps-là, l'Islam réunissait sous un même toit, le Messager, Khadijah et moi le troisième. J'y voyais la lumière de la Révélation et du Prophète, et j'y sentais le souffle de la Prophétie».(59)
II n'y aura donc aucune rupture dans l'éducation prophétique de l'Imam al-Hassan après le décès de son grand-père. Ce que le Prophète n'a pas eu le temps d'achever (dans l'éducation d'al-Hassan) l'Imam 'Alî le fera avec d'autant plus de compétence et de pertinence qu'il avait été lui-même éduqué et formé par le Messager et qu'il avait acquis son savoir sous sa direction.
Ainsi, "l'esprit du Message" et "le souffle du Prophète" continueront d'enrichir la personnalité d'al-Hassan et de perfectionner sa formation en vue d'assurer la succession de la Direction de la Ummah après la mort de l'Imam 'Alî.
Entre la mort du Prophète et celle de l'Imam 'Alî, une trentaine d'années s'écouleront pendant lesquelles l'Imam al-Hassan restera toujours présent aux côtés de ce dernier sur l'avant-scène de la direction de l'Etat islamique, et aura de ce fait toutes les occasions de puiser dans l'immense savoir islamique de son père, de manifester ses qualités transmises par le Prophète ou acquises auprès de son père, et d'être rompu aux affaires de la direction de l'Etat islamique.
Sous le Califat d'Abou Bakr et de 'Omar
Sous le Califat d'Abou Bakr et de 'Omar, où al-Hassan traverse sa seconde enfance et son adolescence, les historiens passent souvent sous silence les rapports entre ces deux grands Compagnons et le petit-fils du Prophète. Toutefois comme nous avons déjà pu l'apercevoir ça et là, aussi bien le premier que le second Califes-Bien-Dirigés ont à diverses occasions exprimé leur estime pour celui qui évoquait chez eux le souvenir du Prophète, et rappelé à la Ummah la place privilégiée qu'il occupait auprès du Messager de Dieu.
Sous le Califat de 'Othman
C'est surtout à partir du Califat de 'Othman qu'al-Hassan, déjà mature et dépassant la vingtaine, commence à donner la mesure de sa personnalité et à présenter les signes d'un futur digne successeur du Messager. Jour après jour, les principes et les qualités que lui avaient transmis et inculqués son grand-père et son père devenaient plus évidents.
Auréolé du prestige du Prophète et imprégné du savoir, de l'éloquence et du courage de l'Imam 'Alî, il conquit vite une place de choix dans les premiers rangs des compagnons et des grandes figures de la Ummah. Grand connaisseur de la Chari'a, esprit judicieux, combattant et défenseur intransigeant de l'intégrité du message et de la Sunna du Prophète, il participa par ses actes et ses opinions aux affaires de l'Etat islamique et à la défense de son unité et de son intégralité.
S'il fut souvent présent dans les séances du Calife, il ne manqua pas de s'engager dans les armées islamiques qui s'apprêtaient à traverser le Maghreb et la lointaine Afrique pour le besoin de la cause islamique.
A diverses occasions, l'Imam al-Hassan montra en présence de 'Othman et de hauts dignitaires de la Ummah qu'il était un homme d'ijtihâd (jugement personnel déduit des préceptes de la Chari'a) et qu'il avait son mot à dire concernant les grandes affaires de l'Etat islamique. Aussi n'hésitait-il pas à dire son mécontentement de certains de l'entourage du Calife, tels les ex-Tulaqâ' qui passaient souvent outre aux règles de la Chari'a.
Mais ce souci de préserver l'expérience de tout ce qui constituerait un accroc à la morale islamique n'empêchait pas al-Hassan de manifester, sous l'impulsion de son père, et dès les premières années de sa maturité, un autre souci majeur: sauvegarder l'unité de l'Islam.
Aussi son mécontentement à l'égard de l'entourage de 'Othman ne le détourna-t-il pas de son devoir de défendre ce dernier, Calife officiel des Musulmans et symbole de leur unité, et de se tenir à ses côtés, prêt à se sacrifier pour le protéger contre les masses des contestataires qui, exaspérés par la corruption prolongée du gouvernement, s'apprêtaient à attenter à sa vie.
Ainsi, dès la première heure où s'est déclenchée l'émeute qui allait déboucher sur l'assassinat de 'Othman, al-Hassan fut parmi les rares médinois qui se sont battus contre les rebelles.
Lorsque, par la suite, 'Othman se voyant assiégé, écrit à l'Imam 'Alî pour l'informer de la gravité de sa situation, celui-ci malgré sa brouille avec le Calife, dépêcha al-Hassan à la tête d'un groupe de ses partisans et proches, avec armes et munitions, en leur demandant de garder la maison du Calife.
Et s'adressant à ses deux fils, il leur dit: «Prenez vos épées et tenez-vous près de la porte de la maison de 'Othman. Empêchez quiconque de l'atteindre».(60) Ainsi, al-Hassan et les siens furent là encore les premiers à venir au secours du Calife assiégé lorsque le danger commençait à se préciser.
Cette attitude suscita la gêne de quelques Compagnons restés les bras croisés et conduisit certains d'entre eux, tels Talhah et al-Zubayr, à mobiliser leurs fils, pour ne pas être accusés de manquement à la solidarité.
Paré de son épée et de tout un équipement de guerrier, al-Hassan entra chez 'Othman et lui fit savoir sa détermination à le défendre jusqu'au bout. Ce dernier, touché par cette bonne intention, protesta: «Non, rentre chez toi! J'attends que Dieu décide de mon sort».
Mais ayant reçu de son père l'ordre formel de ne quitter 'Othman sous aucun prétexte, al-Hassan se tourna vers les assiégeants et chargea avec ses compagnons pour les disperser.
Le Calife toujours soucieux de ne pas mettre en danger la vie de ses défenseurs cria à leur adresse: «Par Dieu, par Dieu! Vous êtes dégagés de l'obligation de me soutenir. Celui qui croit me devoir obéissance, doit rester chez lui, car les gens en veulent à moi personnellement».
Et voyant al-Hassan s'acharner contre les rebelles malgré sa blessure, il le supplia: «Ô neveu! Ton père doit être en plein chagrin. Je t'adjure d'abandonner ...».
Dans le camp des révoltés les flèches des combattants en colère continuaient à se diriger en direction de la maison de 'Othman. Les assiégeants ayant remarqué la blessure du petit-fils du Prophète et craint par conséquent que cela ne provoque la mobilisation générale des Banî Hâchim(61) s'éloignèrent momentanément.
Le Calife pour sa part resta à la maison et continua à adjurer la poignée d'hommes venus à son secours de se retirer, ce que la plupart d'entre eux finirent par faire. Quant à al-Hassan, ni sa blessure ni les adjurations de 'Othman ne purent entamer sa détermination de veiller à la sécurité du Calife.
Aussi resta-t-il avec quelques autres notables devant la porte du Calife pour barrer la route aux rebelles. Ceux-ci appréhendant un affrontement généralisé avec les Hâchimites, finirent par contourner la maison de 'Othman pour éviter un accrochage risqué avec les défenseurs du Calife, et la pénétrèrent en l'escaladant.
Lorsqu'al-Hassan et son frère, se rendant compte de la manoeuvre des assaillants, se précipitèrent à l'intérieur de la maison califale, ils furent consternés en trouvant 'Othman déjà assassiné.
Notes :
55. . Selon certaines sources à trois mois d'intervalle.
56. . Voir "Etudes dans la psychologie islamique", dans la revue trimestrielle "A-fajr", N°. 3, 1404 h.
57. . Lorsque l'Imam 'Alî décéda, l'Imam al-Hassan avait 37 ans.
58. . La cave de Herâ', c'est le lieu dans lequel le Prophète se retirait pour recevoir la Révélation.
59. . "Nahj al-Balâghah", cité par M. Bâqir al-Çadr dans "Le Chiisme, prolongement naturel de la ligne du Prophète" (Titre arabe: «Bahthun fil Wilâyah») pp. 63 - 64.
60. . Kâmel Sulaymân, op. cit., p. 60.
61. . Le clan du Prophète et de l'Imam 'Alî.
Naissance et Famille : le «Fils du Prophète (Ç)
L'Imam Abou Mohammad AL-HASSAN Ibn (fils de) 'Alî Ibn Abî Tâlib est le premier fils de:
- I'Imam 'Alî, cousin du Prophète et son plus fidèle compagnon et soutien,
et
- de Fâtimah al-Zahrâ', la "Meilleure Fille" du Prophète et la "Maîtresse des Femmes des Mondes" selon les propres termes du Messager de Dieu (Ç).
Il est donc le fruit d'un couple béni dont l'union s'est réalisée sur ordre de Dieu et dont les descendants ont reçu par anticipation les bénédictions exceptionnelles du Messager de Dieu (Ç).
En effet, alors que les Compagnons se succédaient chez le Prophète pour lui demander la main de sa fille Fâtimah al-Zahrâ', en raison de la position sublime qu'elle occupait selon le critère du Message, son père récusait systématiquement toute demande en mariage la concernant.
Lorsque l'Imam 'Alî apprit comment le Messager de Dieu opposait son refus à tous les prétendants, il décida de la demander en mariage pour lui-même. Avant d'aller voir le Prophète pour lui faire part de son désir, l'Archange Gabriel l'avait précédé chez ce dernier pour lui annoncer l'ordre de Dieu de marier Fâtimah à 'Alî.
Cet Ordre divin avait été révélé au Prophète selon al-Tabari dans ces termes: «... Ô Muhammad! Dieu, Le Très-Haut, lit sur toi le salut et t'annonce: "J'ai marié ta fille Fâtimah à 'Alî Ibn Abî Tâlib dans le monde sublime, marie-la lui donc sur la terre"».(6)
Quand l'Imam 'Alî frappa à la porte d'Om Salma chez laquelle se trouvait le Prophète, celui-ci lui donna la permission d'entrer et le fit s'asseoir à côté de lui et lui dit:
«Je vois que tu viens pour me demander quelque chose. Dis-moi ton besoin et exprime ce que tu désires. Tout ce que tu me demandes sera exaucé...»
Lorsque le Prophète apprit que 'Alî était venu lui demander la main de sa fille, une expression de joie se dessina sur son visage et il entra chez Fâtimah pour la mettre au courant. C'était là une façon de fixer un usage islamique selon lequel le mariage devrait reposer sur le consentement des deux conjoints pour fonder une famille unie par la cohésion, l'amour et l'entente.
Le Prophète dit à sa fille:
«'Alî Ibn Abî Tâlib est quelqu'un dont tu connais les liens de parenté (avec moi), ses bons antécédents et sa ferveur islamique. Il m'a parlé de toi. Qu'en penses-tu?»
Une expression de timidité s'empara de son visage. Un silence s'installa. Le Prophète (Ç) regardait les traits de son visage et y lut un consentement manifeste. Il sortit de chez elle en répétant du fond du coeur: «Allâhu Akbar... Son silence est le signe de son consentement».
Revenant chez 'Alî, il lui dit: «Possèdes-tu quelque chose pour le mariage?». Là encore, il voulait laisser à la Ummah un jugement jurisprudentiel selon lequel l'homme doit offrir un cadeau de mariage à sa femme. L'Imam 'Alî ne possédait qu'une épée, un chameau et une cuirasse. Il le fit savoir au Prophète, lequel lui dit:
«Quant à ton épée, elle t'est indispensable; par elle tu mènes le Djihâd et tu combats les ennemis de Dieu. Pour ce qui concerne ton chameau, il te sert à apporter l'eau à tes dattiers et à ta famille, et à porter tes bagages pendant tes voyages».
Le Prophète lui interdit donc de se séparer de son épée et de son chameau, lui suggérant de se contenter de revendre sa cuirasse que le Messager lui avait offerte, pour se protéger contre les coups des ennemis.
L'Imam 'Alî offrit au Prophète l'argent qu'il avait pu obtenir de la vente de sa cuirasse pour qu'on achète ce qu'il fallait pour le mariage. Le Prophète répartit la somme entre Bilâl, Salmân et Om Salmâ et les chargea de faire les achats nécessaires.
Le Messager de Dieu désirait faire part aux Musulmans des fiançailles de l'Imam 'Alî et de Fâtimah al-Zahrâ'. Il invita quelques-uns de ses proches à assister aux cérémonies du mariage et il leur fit ce prône:
«Louanges à Dieu, loué pour Son Bienfait, obéi pour Son Pouvoir (...). Dieu m'a ordonné de marier Fâtimah, Fille de Khadijah à 'Alî, Fils d'Abî Tâlib. Témoignez donc que je l'aurai marié contre un cadeau de mariage de 400 atomes (mithqâl) d'argent, s'il y consent».
Puis, il ordonna qu'on apportât un plateau de dattes et invita l'assistance à en manger.
Ce faisant, 'Alî entra chez le Prophète, lequel lui sourit et dit:
«Dieu m'a ordonné de marier Fâtimah à toi contre quatre cents atomes d'argent, si tu y consens».
'Alî répondit: «J'y consens».
Le Prophète dit alors:
«Que Dieu vous unisse, (...) qu'IL vous bénisse et qu'IL vous fasse engendrer une descendance nombreuse et bonne».(7)
Lorsque, un mois plus tard le Prophète apprit que I'Imam 'Alî désirait consommer le mariage et commencer la vie conjugale, il lui demanda d'organiser un festin à l'intention des croyants, festin à la préparation duquel les femmes du Prophète veillèrent elles-mêmes. Puis le Messager de Dieu ordonna à Om Salmâ et aux autres femmes de conduire l'épousée dans un cortège nuptial jusqu'à la maison de l'Imam 'Alî. Une constellation de croyants conduits par le Prophète se forma pour manifester sa joie au cri d' "Allahu Akbar". Les femmes du Prophète chantèrent des hymnes et exultèrent cette occasion.
Après la cérémonie des noces, le Prophète vint auprès de l'Imam 'Alî pour lui adresser ses félicitations:
«Que Dieu te bénisse par la fille du Messager de Dieu».
Puis, il prit un récipient d'eau qu'il bénit de quelques Paroles de Dieu et demanda à 'Alî et à Fâtimah d'en boire. Il arrosa ensuite leur visage et leur tête de quelques gouttes de cette eau, et s'adressant à Dieu, il pria à leur intention:
«Mon Dieu, ce sont les deux êtres que j'aime le plus parmi la création. Bénis donc par moi leur descendance et fais-les escorter par un gardien de Ta part. Je les place ainsi que leur progéniture sous Ta Protection contre Satan le réprouvé».(8)
Ce mariage voulu par Dieu et béni avec tant d'attention et de joie par le Prophète, donnera lieu bientôt à une première naissance à laquelle le Messager de Dieu ne manqua pas de jubiler.
En effet, le premier descendant de la Maison du Prophète naquit au milieu du mois béni de Ramadân en l'an 3 de l'Hégire à Médine.
Lorsque Fâtimah al-Zahrâ' proposa à l'Imam 'Alî de donner un nom au nouveau-né, il lui dit qu'il ne pouvait pas se permettre de devancer le Messager de Dieu dans cette tâche.(9)
C'est que l'Imam 'Alî savait d'ores et déjà que le Prophète considérait ce premier enfant de sa fille comme son propre fils et combien cette naissance lui tenait à coeur.
La bonne nouvelle parvint au Prophète. Exultant de joie, il se rendit chez sa fille pour exprimer sa réjouissance et féliciter le couple bienheureux. Om Salmâ - ou Asmâ' Bint 'Umays selon certaines sources - apporta l'enfant et le présenta au Prophète, lequel le prit dans ses mains, l'embrassa et l'étreignit. Puis il récita l'azan(10) dans son oreille droite, l'iqâmah(11) dans son oreille gauche, afin que la voix du Vrai soit la première chose qui parvienne à son ouïe.
Puis, s'adressant à l'Imam 'Alî, il lui demanda:
- Quel prénom as-tu donné à "mon" fils?
- Je n'aurais pas osé t'y précéder, répondit l'Imam 'Alî.
- Pas plus que moi-même je n'oserais y précéder mon Seigneur!(12)
Ce dialogue entre le Prophète et son héritier présomptif n'était pas encore tout à fait terminé que la révélation divine parvint au Messager de Dieu l'informant que le Créateur avait nommé le nouveau-né "Hassan"(13). Il est à noter que le nom "al-Hassan" était inconnu dans la jahiliyyeh (le pré-islam) et signifie le "Bienveillant" (voir Fadhlullâh, op. cit.. 14, citant "Asad al-Ghâbah").
Le septième jour de la naissance d'al-Hassan le Prophète revint chez Fâtimah al-Zahrâ' pour parachever les rites. Il égorgea un mouton dont il donna un quartier à la sage femme - en plus d'un dîner - en témoignage d'estime pour ses efforts. Ensuite il rasa la tête du nouveau-né et offrit en aumône une quantité d'argent équivalent au poids des cheveux coupés. Puis, il enduisit la tête de l'enfant d'un parfum (Khalouq) à dominante de safran (annonçant à cette occasion l'interdiction de la coutume jahilite consistant à enduire la tête de l'enfant de sang). II ordonna enfin, que l'on procède à la circoncision du nouveau-né.
L'ensemble des rites que le Messager pratiqua à l'occasion de la naissance de son petit-fils seront désormais des Traditions que les Musulmans suivront.
Notes :
5. . Abréviation de la formule de révérence: "Çallâllâhu 'alayhi wa Âlihi wa sallam" (Dieu prie sur Muhammad et sa Famille, et les salue) que les Musulmans prononcent chaque fois qu'ils évoquent le nom du Prophète.
6. 6. Muhib al-Dîn al-Tabarî, "Thakhâ'ir al-'Oqbâ fî Manâqib Thawil Qorbâ", p. 32, éd. 1387 H. (1967).
7. . Muhib al-Tabarî, "Thakhâ'ir al-'Oqbâ fî Manâqib Thawil Qorbâ", op. cit., p. 30.
8. . "Achya' min Hayât al-Imâm al-Hassan Ibn 'Alî", Dâr al-Tawhîd, p. 13, citant al-Tabarî, op. cit.
9. . Mohammad Jawâd Fadhlullâh, "Çulh al-Imam al-Hassan: (Ses causes et ses conséquences)", Dâr al-Ghadîr, Beyrouth, 1ère éd., 1392 H., (1973), p. 14.
10. . Récitations annonçant et précédant la Prière.
11. . Récitations annonçant et précédant la Prière.
12. ."Thakhâ'ir al-'Oqbâ" de M. al-Tabarî, p. 120, op. cit. (cité par: "Achi'ah min Hayât al-Imam al-Hassan Ibn 'Alî", Dâr al-Tawhid, Kowait, lère éd, 1400 H (1980), p. 14.
13. . Voir:
- "Ahl-Elbayt - L'Imam al- Hassan", Tawfîq Abu 'Alam, p. 264, éd. 1970;
- "Al-Majâlis al-Saniyyah", tom II, Sayyed Muhsin al-Amin al-'Âmilî.
Le Martyre de l`Imam Hassan (AS)
Nom: Hassan (Shabbar)
Parents: Imam Ali (AS) et Hazrat Fàtémà (SA)
Kounyah: Abou Mohammad
Titre: Al Moujtabà (le choisi)
Naissance: 15 Ramazane 3 ans ap. Hijr (Madinà)
Décès: 7 Saffar 50 ans ap. Hijr (Madinà). Empoisonné par son épouse Jo’dà binté Asha’th. Inhumé à Jannatoul Baqi.
Naissance et enfance:
Il est né le mardi 15 Ramazàne 3 ans après Hijr. Le Prophète (S.W.A.) lui donna le nom de Hassan rapporté de Allah par l’ange Gabriel. Le Prophète dit à l’Imam Ali (a.s.): "Oh Ali! Tu es pour moi ce que Hàroune était pour Moïse. Le Prophète Hàroune avait 2 enfants appelés Shabbar et Shabbir. La traduction de Shabbar en arabe est Hassan."
Imam Hassan fut le premier petit-fils du Prophète (S.W.A.) et à la nouvelle de sa naissance le Prophète a sourit montrant ses dents (une des rares occasions de son bonheur intense).
Le 7è jour on a accompli l’aqikà et ce fut le premier Akikà en Islam. Le Prophète organisa un festin pour les gens de Madinà.
Il est né l’année où les batailles ont eu lieu et par conséquent il a ouvert les yeux dans un environnement de Djihàd.
Une fois quand Imam avait seulement 14 mois Abou Soufyàne est venu voir Imam Ali pour lui demender d’interceder auprès du Prophète en son nom. Comme Imam Ali refusait, voyant le jeune Imam, Abou Soufyàne a donné le Wàsstà de Imam Hassan. Alors Imam Ali lui a dit de s’adresser directement à Imam Hassan. Celui-ci saisi Abou Soufyàne par le nez en lui disant: "d’abord dit du fond de ton coeur Là élàhà illallàh puis j’intercèderais en ta faveur auprès du Prophète."
Il était l’image parfaite du Prophète et avait l’habitude d’écouter attentivement ses sermonts et ensuite de relater touts les Koutbà du Prophète (a.s.) à sa mère même à l’age de 4 - 5 ans. Une fois Janàbé Fàtémà le raporta à l’Imam Ali (a.s.), qui dit qu’il souhaitait aussi écouter son fils. Une fois il vint à la maison et s’est installé où Imam Hassan ne pouvait le voir. Quand Imam Hassan est arrivé et a commencé à relater ce que le Prophète avait dit, il s’est senti géné et ne pouvait commencer. Il dit à sa mère: "je sens comme la présence de mon père dans la maison et je ne peux continuer."
A la mort de Prophète, Imam Hassan avait 8 - 9 ans. Quand Abou Bakar monta sur le chaire pour délivrer son premier sermont, l’Imam entra dans la mosquée et lui dit de manière répétitive: "inzil- descend de la place de mon père." Abou Bakar fut obligé d’accepter et dit: "oui c’est la place de ton père."
Ce fut une enfance traumatisante, eu égard à l’injustice faite envers ses parents (la chute de la porte sur Bibi Fàtémà (a.s.) entraina la mort de Moshine (a.s.); la confiscation de Fadak et le fait de traîner Imam Ali (a.s.) à travers les rues de Madinà avec un noeud de corde autour de son cou).
Tout était fait pour inciter Imam Ali à faire un faux pas et de donner un prétexte aux Califes pour le tuer.
Imam Hassan et Houssen avaient une année de différence et ont grandis ensemble avec le même principe et le même but.
Sa personnalité:
Sa patience, sa piété et sa force étaient apparents dans ses actions et dans son silence. Il préférait plus discuter que se disputer.
Incidents:
Un homme de Syrie est arrivé à Madinà et a commencé à médire l’Imam. Celui-ci lui a dit que comme il venait de faire un long voyage il le proposait à manger et à dormir chez lui. L’homme réalisa que la personnalité de l’Imam était honnorable. L’homme dit à l’Imam que quand je suis arrivé à Madinà j’étais votre pire ennemi et maintenant je vous quitte étant votre meilleur partisan et admirateur.
A chaque fois que l’Imam se préparait à faire son wouzou, il tremblait et son visage devenait pâle. Quand on le lui demanda, il dit: "ne savez vous pas que je suis debout devant mon Créateur?"
Il avait l’habitude de distribuer tout ses biens dans la voies d’Allah. Quand il récitait le Kour’àne-é-Sharif et lisait un verset commençant par: "Ô vous qui croyez..." il répondait immédiatement : "Labaik allàhoummà labaik (je suis là, Ô Allah je suis là)."
Une fois quand un de ses servants a laissé tomber un aliment brûlant sur lui, l’Imam a récité le verset du Kour’àne (Souraté Alé Imràne 3:134): "et ceux qui maîtrise la colère...(l’Imam sourit, pas de colère) et pardonne l’homme...(l’Imam l’a pardonné) et Allah aime les bonnes actions (l’Imam a libéré l’esclave)."
Hassan ibné Yassar (Bashari) était une personne sainte de l’Islam et un homme de sagesse (21 A.H. à 110 A.H.-de l’Imam Ali à l’Imam Sàdiq). Il ne croyait pas que l’homme avait le libre choix. Un jour sa pensée a changé et il a ecrit à l’Imam Hassan: "Bismillàhir Rahmànir Rahim. Ô fils de Hàchim, Ô fils de Ali, vous étes l’arche de Noé. Celui qui y monte est sauvé et celui qui le laisse est noyé. Que pensez vous des actions de l’homme. Sont elles par Allah ou par nous même?" L’Imam a repondu: "Ô Hassan ibné Yassar, souviens toi! Ces mains, ces pieds, cette langue et ce corps vous ont été attribués par Allah. Il vous a munit et vous a rendu son gérant pour user de cet equipement pour ses propres usages particuliers." Allah est le propriétaire et l’homme est le détenteur.
Son apparence:
Shaik Mohammad Moughniyàh dans son livre Ash Shià wal hakimoune cite que Ahmad ibné Abdoullàh écrit: "la teinte de l’Imam Hassan était blanche mélangé a du rouge. Ses yeux étaient très noirs et son visage n’était pas charnu. Sa barbe était garnie. Ses cheveux tombaient jusqu’a ses oreilles. Il avait des épaules larges, une stature moyenne, un visage beau, les cheveux bouclés et un bon physique. Personne ne ressemblait au prophète plus qu’Imam Hassan."
Jusqu’à 40 A.H. (martyre de Imam Ali)
Imam Hassan dans sa jeunesse a vu durant le règne des 3 premiers Califs une volonté constante d’accaparer les droits de son père. Les Khoumss étaient désormais payés aux Califs. Ceux qui connaissaient Imam Ali étaient mutés loin à Rome, Palestine et Iran pour combattre. Les Califs s’assuraient continuellement que personne à Madinà ne découvre la bravoure et les droits de l’Imam Ali.
Des héros étaient crées comme Khàlid ibné Wàlid pour minimiser l’héroïsme de l’Imam Ali. Dans la bataille de Yamàmà 17 de ceux qui étaient présents à Badr, parmi lesquels étaient également ceux qui avaient mémorisés le Couràne entièrement (Hàfiz-é-Couràne) furent tués.
Quand l’Imam Ali a assumé la Califàte en 34 A.H. les batailles de Jamal, çiffine, Nahrawànne eurent lieus. Imam Hassan était le porte drapeau (Alamdàr) dans toute ces batailles et a contribué une part importante dans les victoires. Par exemple avant la bataille de çiffine les gens de Bassràh étaient contre l’Imam Ali. Celui-ci envoya Imam Hassan qui dans quelques jours ralia une grande proportion des gens pour combattre a coté de l’Imam Ali.
Durant son retour Imam Ali a écrit une lettre de profonde réflexion à l’attention d’Imam Hassan (Se référer au khoutbà N°31 de Nàjoul Balàghà).
40 A.H.
Imam Ali fut martyrisé le 21Ramazàne de 40 A.H., Imam Hassan et Houssen après l’avoir inhumé sont allés directement à Masdjidé Koufà avant de rentrer à la maison. Là l’Imam Hassan délivra son premier Koutbà après la mort de son père. Abdoullàh ibné Abbàs s’éleva et accepta l’allégence, suites auxquels tout les présents le suivirent dans l’allégeance. Cependant, quand l’Imam les demanda d’accomplir le Djihàd, ils quittèrent sa compagnie et préférèrent les promesses de richesses de Moawiyà. Ils écrivirent à Moawiyà en nombre pour lui rapporter que l’Imam Hassan leur demandait de se battre contre lui et que si Moawiyà le voulait ils pouraient capturer l’Imam et l’envoyer vers lui. Moawiyà envoya toutes ces lettres (environs 4 à 5 chamaux) à l’Imam Hassan.
Moawiyà préparait une armée et avec 60 000 hommes se dirigea vers Iraq. L’Imam était contraint à se préparer à la guerre mais ceux à joindre son armée étaient peu et ceux qui le faisait succombaient à la corruption de Moawiyà. Le 21 Ramazàne 40 000 avaient accepté l’allégence mais 4 mois plus tard il ne réstait plus que 10 à 12 Personnes. Moawiyà a décrété l’indépendance. L’Imam Hassan voyant la "couleur" de ses soit disant supporteurs a délivré un serment leur disant que ceux qui avaient changés de coté pour aller vers Moawiyà le regretteraient et leur supplication (towbà) ne serait jamais accepté par Allah.
Moawiyà a proposé un traité mais Imam Hassan y a stipulé des conditions. Il n’y avait pas de question de compromis du Califàte ou de l’Imamàmate comme cela a été ordonné par Allah.
Traité de paix
Ceci est le traité entre Moawiyà-fils d’Abou Soufyàne et Hassan-fils de Ali.
1-que Moawiyà réspèctera les précèptes de Qour’àne et la Sounnate du Saint Prophète.
2-que les musulmans de l’empire islamique (Syrie, Iraq, Hédjàz, Yemen, Egypte) vivront en paix et seront protégés contre les pérsécutions.
3-Moawiyà ne désignera aucun successeur.
4-les amis, les compagnons et les partisans de l’Imam Ali et toute leur famille seront protégés contre toute peur et vivront en paix.
5-que Moawiyà s’engage en tout cas à ne pas faire du mal, menacer ou comploter (secrètement ou non) contre Imam Hassan et Imam Houssen.
6-que Moawiyà n’enverrai pas "lànate" (malédiction) à l’Imam Ali dans le kounout, prière du vendredi,...etc.
Moawiyà a tout accepté sauf l’article 6. Devant son entêtement, l’Imam Hassan a dicté qu’au moins les malédictions ne soient prononcées en présence de l’Imam Hassan et Houssen. Moawiyà a donné sa parole à Imam Hassan qu’il réspècterait toute les conditions. Mais une fois de retour à Shàm il a déclaré: "je n’ai à réspécter à rien du tout. Je ferais ce que je veux."
Les avantages du traité de paix
L’Imam Hassan cherchait à gagner du temps par ce traité pour faire le tabligh. L’atmosphère de haine contre Imam Ali crée par Moawiyà fut changé par l’Imam. En 10 ans de "paix" l’Imam a éffacé ce que Moawiyà et ses prédécésseurs ont fait pendant 50 ans en incitant les gens dès leur enfance à haïr l’Imam Ali (c’est à dire: les repas scolaire n’étaient servis que si les élèves prononçaient lànate sur Imam Ali et sa famille. Cela fut prouvé quand les captifs de Karbalà furent promenés dans les villes de Koufà et Shàm. Les gens refusaient d’ouvrir les portes aux soldats (de Yazid) et même leur refusait la nourriture et le boisson et dans certains cas ont combattus contre ces soldats.
L’Imam Hassan a utilisé ce temps à préparer les compagnons pour combattre avec Imam houssen. Les partisans de Imam Houssen (lors de la bataille de Karbalà) sont le résultat des efforts de Imam Hassan. Il a crée des gens spécialement solidaire à Imam Houssen (même notre 12è Imam est en train d’attendre de tels volontaires).
Le traité a également prouvé le Koufr de Moawiyà. Il maudissait Imam Ali et sa famille alors que le Prophète a dit: "celui qui maudit Ali me maudit. Celui qui me maudit se déclare Koufr." Par conséquent Moawiyà s’est déclaré Koufr ouvertement.
Ahlou Sounnah walJamà’a
Un groupe entier de ceux qui étaient neutre ont joins Moawiyà le 25 Rabioul Awwal 41 aprés Hijr. Moawiyà a appelé cette année Sounnatoul Jamà’a. Tout ceux qui ont déclaré allégence à Moawiyà furent appelé Ahlou Sounnah walJamà’a.
Durand les 9 années suivantes Moawiyà a essayé de faire empoisonner l’ImamHassan à plusieurs reprises pour finalement réussir à la neuvième tentative quand il a envoyé le poison à la femme de Imam Hassan appelé Jo’dà. On lui avait promis le mariage avec le fils de Moawiyà et de l’argent.
Mort
Jo’dà a mis le poison dans l’eau déstiné à l’Imam Hassan la nuit. Il mourut 3 à 4 jours plus tard le7 saffar de l’an 50 A.H.
Inhumation
Le voeux de l’Imam Hassan était d’être enterré près du Prophète. Furent présent à l’enterrement Imam Houssen, Abdoullàh ibné Abbas, Abdoullàh ibné Jàffar et Mohammad-é-Hanafia. Comme le cortège funèbre se dirigeait vers la Mosquée du Prophète Marwàne (Lànatoullàh Alayhi) a informé Aïshàh qui s’est précipitée sur une mul vers la mosquée du Prophète pour protester contre l’enterrement de l’Imam. Abdoullàh ibné Jàffar lui dit: "vous êtes venue sur une mul et un chameau (bataille de Jammal), le prochain sera sur un éléphant.
Votre droit n’est que le 1/9 du 1/8*. Comment pouvez vous tout réclamer?" Elle refusa que l’enterrement puisse avoir lieu aux cotés du Prophète et des flèches furent tirées sur le cercueil. Imam Houssen a ramené le corps à la maison, il a enlevé les flèches et a redonné un nouveau ghoussl et kaffane. Imam Houssen fut ensuite inhumé dans le Jannatoul Baqi près de sa grand-mère paternelle Fàtémà binté Assad.
Notes :
* Une femme hérite le 1/8 du 2/3 du propriété net de son mari. Aïshàh était l’une des 9 femmes. Par conséquent elle hérite du 1/9 du 1/8.
L`imam al-hassan Dans la Sunnah et sa Place dans le Coran
A) La présence du Prophète (S) dans la personne et la personnalité d'al-Hassan
«Le Messager de Dieu a veillé sur al-Hassan avec ses yeux et son coeur, car il était un morceau de son existence, une brillance de son âme et un portrait qui le décrivait et l'exprimait. Il l'a entouré d'un tel amour et d'une telle tendresse qu'il fut la pureté même, qu'il se dépouilla de toute tendance à la brutalité, que la clémence devint la plus saillante de ses qualités, et la philanthropie le plus sublime de ses sentiments».
M. J. Fadhlallah(31)
Al-Hassan perdit son grand-père à l'âge de 8 ans. Le Prophète (S) n'aura donc veillé sur son petit-fils que pendant la phase de sa première enfance. Mais la présence active du Messager tout au long de cette phase importante de son éducation joua un rôle primordial dans la formation de sa forte personnalité, dans la noblesse de son caractère, dans la perfection de sa conduite islamique.
En effet, la passion, l'affection et la tendresse presque anachroniques - à l'époque - que le Prophète manifesta envers al-Hassan s'avérèrent être non seulement la simple expression de l'amour naturel d'un grand-père envers son premier "fils" ou descendant, mais elles traduisirent surtout la volonté du Messager d'assurer à ce dernier une éducation exemplaire.
On peut dire à cet égard que bien avant les psychologues et les éducateurs modernes, l'Islam avait attiré l'attention sur l'importance de la phase de la première enfance dans la formation et l'équilibre de la personnalité de l'individu d'une part, sur les besoins affectifs de l'enfant dans cette phase d'autre part. Il suffit de jeter un coup d'oeil sur les hadith du Prophète - et de ses successeurs, les Imams d'Ahl-ul-Bayt - concernant ce sujet, pour s'en convaincre.
Mais ce qui nous importe ici, c'est de noter qu'al-Hassan fut le premier enfant à recevoir une éducation islamique parfaite pendant cette phase, puisque c'est le Prophète de l'Islam, lui-même, qui en fixa, orienta et dirigea les grandes lignes.
En effet, lorsqu'on passe en revue les préceptes de l'Islam, relatifs à cette phase de l'éducation de l'enfant, on peut remarquer que trois grandes lignes s'en détachent et que l'application de celles-ci apparaît d'une façon évidente dans le comportement du Prophète (S) vis-à-vis de son petit-fils:
1- C'est une phase pendant laquelle l'enfant doit être entouré de tendresse, d'amour, de caresses. En témoigne, entre bien d'autres, cette remarque que le Prophète avait faite à propos d'un bédouin qui se vantait de n'avoir jamais embrassé ses enfants: «Pour moi, dit le Messager, cet homme est au nombre des habitants de l'Enfer»(32) et pour traduire sa parole en acte, on a vu combien le Prophète s'attachait à caresser et à embrasser al-Hassan chaque fois qu'il se trouvait en sa présence.
2- C'est une phase de jeu pendant laquelle l'enfant doit être encouragé dans son désir naturel de jouer. Le Prophète dit à ce propos: «Celui qui a un enfant doit rajeunir pour lui».(33) Et passant de la parole à l'acte, le Prophète, comme nous l'avons vu, n'hésitait pas à tirer la langue ou jouer au chameau pour amuser al-Hassan.
3- C'est une phase pendant laquelle il convient d'éviter autant que possible de contrarier l'enfant dans ses désirs innocents par souci de lui apprendre la bienséance. En effet le Prophète dit à cet égard: «L'enfant est maître(34) pendant les sept premières années (de sa vie) et esclave(35) pendant les sept années suivantes».(36)
Là encore nous retrouvons l'application parfaite du premier terme de ce principe dans la conduite du Prophète lui-même vis-à-vis de son petit-fils, puisqu'il refusait qu'on empêche ce dernier de monter sur son dos pendant qu'il priait, ou de venir s'asseoir sur ses genoux pendant qu'il prêchait en séance publique.
Mais si l'enfant n'est pas particulièrement disposé à recevoir des instructions pendant cette phase, il est en revanche très réceptif aux gestes, aux paroles et à la conduite de ceux qui savent le couver de leur amour et de leur tendresse. Rien de plus normal dès lors de remarquer combien (la conduite d'al-Hassan) et ses traits de caractère étaient imprégnés des traces de son grand-père et combien il se montrera attaché aux souvenirs du Prophète, gravés dans sa mémoire, tout au long de sa vie.
Les références fréquentes au Prophète («mon grand-père, le Messager de Dieu a dit ceci..., mon grand-père le Messager de Dieu a dit cela...») dont il ponctuait toujours ses paroles et ses actes sont à cet égard très significatives.
A côté des qualités morales qu'il a reçues du Prophète pendant sa première enfance, al-Hassan tenait également de son grand-père, par l'hérédité, ses principaux traits physiques.
Ainsi ayant cumulé par l'hérédité et l'éducation la plupart des caractères physiques et moraux de son grand-père, sa personne et sa personnalité présentaient aux Compagnons et aux Musulmans l'image vivante du Prophète. Cette image en dit assez sur la position dont il jouira auprès de la Ummah pour le restant de sa vie.
Les quelques témoignages suivants nous permettent de nous faire une idée plus concrète de cette image et de cette position:
Selon al-Ghazâlî (dans Al-Ahyâ')(37):
«Le Prophète (S) dit à al-Hassan: "Tu me ressembles dans la création et les caractères"».
Selon al-Mufîd (dans Al-Irchâd)(38):
«Al-Hassan ressemblait plus que quiconque dans la création, la physionomie, la conduite et la grandeur, au Prophète».
Selon Ibn Mâlik(39):
«Personne ne ressemblait autant qu'al-Hassan Ibn 'Alî au Messager de Dieu».
Selon al-Madâ'inî(40):
«Al-Hassan Ibn 'Alî, fils aîné de 'Alî était un Sayyed (noble descendant du Prophète; seigneur), généreux et clément; le Messager de Dieu l'aimait beaucoup».
Selon Ibn Hajar al-Haythami (dans ses اawâ'iq)(41):
«Al-Hassan (paix soit sur lui) était un Sayyed généreux, clément, doux, prestigieux, respectable, d'une grande largesse et très loué».
Selon Wâçil ibn 'Atâ(42):
«Al-Hassan Ibn 'Alî avait les traits du Prophète et le prestige des rois».
Selon Al-Tabarsi(43) (dans "'Alâm al-Warâ"):
«Personne après le Prophète n'a atteint le degré d'honorabilité qu'avait atteint al-Hassan Ibn 'Alî: lorsqu'il se trouvait à la porte de sa maison, le passage s'interrompait et personne n'osait plus passer devant lui. Al-Hassan constatant cela, rentrait à la maison, et les gens reprenaient leur chemin».
Et (Al-Tabarsi) d'ajouter(44): Mahommad Ibn Is-hâq raconte:
«Je l'ai vu un jour sur la route de la Mecque. Lorsqu'il descendit de sa monture et se mit en marche, personne ne manquait de lui emboîter le pas. J'ai vu même Sa'ad Ibn Abi Waqqaç(45) descendre de sa monture et marcher à ses côtés.»
Ce même Is-hâq nous laisse deviner par un autre témoignage combien la personnalité d'al-Hassan était charismatique:
«De tous ceux qui prenaient la parole chez moi, personne ne suscitait en moi autant qu'al-Hassan Ibn 'Alî le plaisir de l'écouter et le désir de le laisser parler indéfiniment. Jamais je ne l'ai entendu prononcer un mot grossier».(46)
C'était aussi une personnalité qui commandait le respect des plus notables des Compagnons du Prophète, puisque même Ibn 'Abbas ce vieux Compagnon qui se détachait par son prestige et sa position privilégiée auprès du Prophète, n'hésitait pas à tenir l'étrier pour l'Imam al-Hassan lorsque celui-ci voulait enfourcher sa monture.(47)
Et lorsqu'on sait qu'Abou Hurayrah lui-même s'adressait à al-Hassan par le titre: "Mon Maître" malgré la grande différence d'âge qui séparait le Compagnon et le petit-fils du Prophète, on comprend combien le premier fils de "la Maison du Message", était révéré par la Ummah.
Il reste à noter que le respect qu'inspirait la personnalité d'al-Hassan se trouvait renforcé par le prestige de l'ensemble de son ascendance. Le second Calife-Bien-Dirigé, 'Omar Ibn al-Khattab lui-même, nous apprend que personne, même pas son propre fils, ne pourrait se mesurer à al-Hassan, quant à la noblesse de son ascendance.
En effet, selon certains récits un jour, distribuant des allocations aux Musulmans, 'Omar Ibn al-Khattab donna à al-Hassan et à son frère al-Hussayn, chacun 10,000 dirhams, alors qu'il n'attribua à son fils 'Abdullah, que mille dirhams; ce dernier se sentant lésé, dit à son père avec amertume:
«Tu connais mon ancienneté dans l'Islam... Comment as-tu donc pu préférer à moi ces deux garçons?» Sans tarder, son père répliqua avec colère: «Malheur à toi, ô 'Abdullah! Peux-tu prétendre à un grand-père comme le leur, un père comme le leur, un oncle maternel comme le leur, une tante maternelle comme la leur, un oncle paternel comme le leur, une tante paternelle comme la leur?! Leur grand-père est le Messager de Dieu! Leur père est 'Alî, leur mère est Fâtimah, leur grand-mère est Khadijah, leur oncle maternel est Ibrâhim, leurs tantes maternelles sont Zaynab, Ruqayyah et Om Kalthûm, leur oncle paternel est Ja'far Ibn Abî Tâlib, leur tante paternelle est Om Hâni, fille d'Abou Tâlib».(48)
B) Et sa place (celle d'Ahl-ul-Beyt) dans le Coran
En outre, si les premiers Compagnons du Prophète tenaient son petit-fils en si haute estime c'est parce qu'ils savaient que ce dernier faisait partie des rares privilégiés dont la vertu et la pureté sont attestées même dans le noble Coran, lequel est la constitution de la Ummah. En effet selon un hadith authentique et sain (rapporté entre bien d'autres par: Muslim dans son "اahih", al-Tarmidi dans son "اahih", al-Nissâ'ï dans "Al-Khaçâ'iç", al-Tabari dans son "Tafsir")(49):
«Le Prophète a couvert un jour 'Alî(50), Fâtimah(51), al-Hassan et al-Hussayn d'un voile et dit:
"O mon Dieu! Ce sont les gens de ma maison! Eloigne donc d'eux la souillure et purifie-les totalement". Et c'est pour exaucer cette prière du Prophète que Dieu descendit le fameux "Verset de Purification" annonçant la pureté des Ahl-ul-Bayt (les Gens de la Maison) et leur dépouillement de toute souillure:
«O vous, les Gens de la Maison (Ahl-ul-Bayt)! Dieu veut éloigner de vous la souillure et vous purifier totalement». (Sourate Al-Qhzâb, 33: 33)
Selon al-Samhoudî(52) et selon l'imam Ahmad Ibn Hanbal (citant Anas)(53): «le Prophète venait chaque matin à la porte de 'Alî, Fâtimah, al-Hassan et al-Hussayn, et, tenant les deux poteaux (de la porte), il s'écriait trois fois "à la Prière", et de réciter ce Verset coranique (précité)».
Il y a un autre Verset coranique qui atteste de la place privilégiée de l'Imam al-Hassan auprès de Dieu: il s'agit du Verset de Mubâhalah:
«Si quelqu'un te contredit après ce que tu as reçu en fait de science, dis: "Venez! Appelons nos fils et vos fils, nos femmes et vos femmes, nous-mêmes et vous mêmes: nous ferons alors une exécration réciproque en appelant une malédiction de Dieu sur les menteurs"». (Sourate, آle 'Imrân, 3: 61)
Les interprètes du Coran affirment que ce Verset fut révélé lorsque, les chefs chrétiens de l'église de Najrân ayant engagé une discussion avec le Prophète sur la religion, s'entêtèrent à récuser ses arguments irréfutables. Selon al-Baydhâwi al-Sinni al-Ach'ari(54) interprétant ce Verset:
«Le Prophète portant al-Hussayn, tenant la main d'al-Hassan et laissant Fâtimah marcher derrière lui et 'Alî derrière elle, leur dit: "Si je prie dites: آmen". Observant cette scène, l'archevêque des Chrétiens s'écria: "ش Chrétiens! Je vois des visages qui, s'ils demandent à Dieu de déplacer une montagne, il le fera. N'invoquez donc pas l'exécration, sinon vous périrez tous". Aussi consentirent-ils à payer le tribut légal au Prophète...».
Dans ce Verset, comme on le remarque, al-Hassan et al-Hussayn sont désignés par "nos fils", le Prophète et 'Alî par "nous-mêmes" et Fâtimah par "nos femmes", celle-ci étant considérée comme la représentante de toutes les femmes Musulmanes.
Notes :
31."Sulh al-Hassan...", op., cit., p. l4.
32."Al-Wasâ'il", Chap. 83, Hadith 4, cité par la revue trimestrielle: "Al-Fajr", No. 3, 1404
h., cf. note 2, Chap. 2.
33."Al-Wasâ' il", Chap. 63, Hadith, 1.
34.Dans ce contexte, "maître" signifie: quelqu'un qui n'a pas à recevoir des ordres, et,
35."esclave", quelqu'un qui est censé recevoir des ordres et de s'y conformer. Voir la revue "Al-Fajr", op. cit., p. 50. Voir: Note précédente.
36."Al-Wasâ'il", Chap. 82, Hadith 3, cité par la revue trimestrielle: "Al-Fajr", op. cit., p. 50.
37.Cité par "...Al-Imam al-Hassan...", Dâr al-Tawhîd. op.cit. P. 20 citant plusieurs sources de hadith اahih, dont;
- "Al-Fuçûl al-Muhimmah" d'Ibn al-اabbâgh al-Mâlikî
- "A'lâm al-Warâ" d'al-Tabarsî.
38.Cité par M. J. Fadhlallah, op. cit., p. 18.
39.id. ibid.
40.id. ibid. p. 16.
41.id. ibid.
42.id. ibid. p. 17.
43.id. ibid.
44.id. ibid.
45.Un des premiers Compagnons du Saint Prophète.
46.Cité par Kâmel Sulaymân, op. cit., p. 47.
47.id. ibid.
48.id. ibid., p. 54.
49.Pour plus de détails voir "Fadhâ'il al-Khamsah fil اihâh al-Sittah", d'al-Fayrouzâbâdi.
50.L'Imam 'Alî Ibn Abi Tâlib (le père d'al-Hassan).
51.Fâtimah al-Zahrâ', la fille du Prophète (la mère d'al-Hassan).
52.Cité par 'Abbas Mahmoud al-'Aqqâd, "Al-'Abqariyyât al-Islâmiyyeh", Dâr al-Kitâb al-Lubnânî, Beyrouth, p. 314.
53.Cité par Ibn Kathîr, "Istich-hâd al-Hussayn", Matba'at al-Madani, le Caire, p. 138.
54."Al-Tafsîr al-Mubîn", Muhammad Jawâd Mughniyeh, Dâr al-Jawâd, 2e éd. 1403 h. (1983), Beyrout, p. 72.
La Fleur du Prophète, l'Imam al-Hassan (P)
Le deuxième Imam est al-Hassan, fils de Ali (P). Sa mère est Fatimâ al-Zahrâ', la fille du Prophète (P). Il est le petit-fils du prophète et le deuxième de ses Califes. Il fut l'Imam après son père Amir al-Mouminîn Ali (P).
Il est né à Médine le mardi 15 Ramadan en l'an 3 après l'Hégire. Il mourut empoisonné par l'une de ses femmes, le jeudi 28 Çafar en l'an 49 après l'Hégire. Les cérémonies de funérailles et d'inhumation furent organisées par son frère l'Imam al-Hussayn (P).
Il fut inhumé à Baqi', à Médine. Il était le meilleur adorateur d'Allah de son temps, le plus érudit et le meilleur des être humains. Il ressemblait beaucoup au Prophète. Il fut le plus généreux et le plus courtois envers tout le monde.
L'un de ses actes de générosité s'est révélé lorsque l'une de ses servantes se présenta à lui avec un bouquet de fleurs.
L'Imam lui dit en effet : « Vous êtes affranchie pour l'amour d'Allah».
Et d'ajouter : «Lorsqu'on vous offre un cadeau, rendez-en un qui soit meilleur ou égal».
Sa courtoisie exemplaire apparaît évidente dans son comportement avec un cavalier syrien qui le maudissait. L'Imam ne disait rien. Lorsque le cavalier finit de le maudire, il s'approcha de lui, le salua, lui sourit et lui demanda :
«0 Monsieur, Je suppose que vous êtes étranger ici et ne m'avez pas reconnu. Si vous voulez résoudre vos problèmes, je le ferai volontiers ; si vous cherchez quoi que ce soit, Je vous le donnerai, si vous voulez allez n'importe où, Je vous y conduirai. Si vous avez, faim, je vous nourrirai et si vous n'avez pas de vêtements, je vous habillerai. Si vous vous sentez seul, je vous offrirai de la compagnie, et si vous avez besoin de quoi que se soit, je satisferai votre besoin».
Lorsque l'étranger entendit ces propos de l'Imam, il s'écria j'atteste que vous êtes le Calife d'Allah sur la Terre et qu' Allah sait pertinemment à qui confier sa représentation.
Le Prophète dit : «Quiconque désire avoir le plaisir de voir le Maître de la jeunesse du Paradis, qu'il regarde al-Hassan». Et d'ajouter : «Quiconque m'aime doit l'aimer» (c'est-à-dire l'Imam Hassan).
L'Imam Hassan participa au Hajj trente cinq fois. Pour accomplir cet acte de piété, il fit même à pied le trajet de Médine à la Mecque. Abu Huraïra, l'un des Compagnons du Prophète raconta :
«Un jour, Hassan fils de Ali vint et salua les gens, lesquels répondirent à sa salutation. Il continua son chemin. Je ne savais pas qui c'était. On m'informa que c'était Hassan fils de Ali. Puis je le suivis et dis : «Que la paix soit sur toi, 0 mon Maître». Les gens me demandèrent pourquoi je l'appelle «mon Maître». Je répondis : J'atteste que le prophète d'Allah avait dit: «En réalité, il (l'Imam Hassan) est le Maître».
TIRÉ DE LA PUBLICATION DU SÉMINAIRE ISLAMIQUE ( LE GUIDE ISLAMIQUE DES ENFANTS)
Al-Hassan - 2eme Imam
Le 19 Ramadân de l'an 40 de l'Hégire, le Khârijite,(1) 'Abdul Rahmân Ibn Muljim frappa l'Imam 'Alî d'un coup d'épée empoisonnée alors qu'il dirigeait la prière du matin à la mosquée de Kûfa. L'Imam 'Alî ne survivera pas à cette blessure mortelle. Il mourra en martyr la nuit du 21 du même mois.
Prédésigné à l'Imamat par le texte (le Prophète ayant dit: al-Hassan et al-Hussayn sont deux Imams, qu'ils soient debout ou assis)(2) et désigné par l'Imam 'Alî, sur ordre du Prophète, pour cette même dignité ou autorité, al-Hassan devint après la mort de son père, le deuxième Imam des Musulmans, c'est-à-dire leur plus haute autorité juridico-religieuse, le représentant et le successeur légal du Prophète, et le gardien du Message.
En effet, de son lit d'agonie, l'Imam 'Alî avant de mourir à la suite du coup d'épée qu'il avait reçu, dit à son fils aîné:
«Ô mon fils! Le Messager de Dieu m'avait ordonné de te désigner pour ma succession et de te remettre mes livres et mon arme, exactement comme il m'avait remis ses livres et son arme. Il m'a également ordonné de t'ordonner de faire de même avec al-Hussayn avant ta mort».
Puis s'adressant à al-Hussayn, il lui dit:
«Et le Messager de Dieu t'a ordonné de faire de même avec ton fils que voici».
Ensuite, prenant la main de 'Alî fils d'al-Hussayn, il lui dit:
«Et le Messager de Dieu t'a ordonné de faire de même avec ton fils Muhammad Ibn 'Alî. Transmets-lui donc la salutation du Messager de Dieu, ainsi que les miennes».(3)
En même temps, étant désigné également pour le Califat officiel aussi bien par la recommandation du 4ème Calife-Bien-Dirigé (l'Imam 'Alî) que par la prestation du serment d'allégeance des Musulmans, comme nous allons le voir, il devint le 5ème Calife-Bien-Dirigé, mais pas pour longtemps.(4)
Avant de revenir au déroulement de cette accession au Califat et d'expliquer par la suite les raisons qui amenèrent al-Hassan à renoncer officiellement à ce poste, il convient de dire quelques mots sur la différence entre l'Imamat et le Califat.
L'Imamat et le Califat
On sait qu'après le décès du Prophète deux thèses se sont opposées l'une à l'autre à propos de sa succession.
La première était celle du "respect scrupuleux du texte". Elle insistait sur la nécessité absolue de respecter scrupuleusement le texte, tout le texte, y compris la partie qui confiait la succession du Messager à l'Imam 'Alî. Elle corroborait son assertion par de nombreux hadith (notamment Hadith al-Dâr, Hadith al-Ghadîr, Hadith al-Manzilah, etc...)(5) reconnus valables par tous les Musulmans et dans lesquels le Prophète désigne explicitement et implicitement l'Imam 'Alî comme successeur.
La seconde thèse ou plutôt courant, était celui de "chourâ". Ses tenants pensaient que la succession du Prophète devait être assurée par une sorte de "chourâ" (consultation) et estimaient que les hadiths précités n'equivalaient pas à une désignation formelle de l'Imam 'Alî.
Ainsi pendant que ce dernier était occupé à assurer le déroulement des différentes cérémonies d'inhumation de la dépouille mortelle du Messager, quelques-uns des tenants de ce courant de "chourâ" se réunirent hâtivement en son absence pour désigner un Calife, un successeur. Ce fut Abou Bakr qui devint ainsi le premier Calife-Bien-Dirigé.
L'Imam 'Alî se sachant investi d'une mission divine que le Prophète lui avait signifiée, consistant avant tout à veiller, avec onze de ses Descendants après lui, issus de la lignée de Fâtimah al-Zahrâ', fille du Prophète, à la sauvegarde du fondement du Message et à la continuation de l'expérience islamique naissante, ne voulait en aucun cas que l'opposition entre les deux thèses se développe et que la division des Musulmans l'emporte sur leur unité.
Aussi s'est-il abstenu de tenter d'imposer par la force son bon droit(6) légitime et de s'opposer activement à cette désignation. Les circonstances qui prévalaient et la nature de sa Mission exigeaient sans doute qu'il fût plutôt juge que partie au sein de la Ummah.
Mais si les circonstances l'avaient amené à renoncer provisoirement au pouvoir officiel - lequel est en principe intimement lié à l'autorité juridique et spirituelle en Islam - il ne pouvait en aucun cas se dérober légalement à sa responsabilité définie dans le texte qui le désignait comme premier Imam de la Ummah, c'est-à-dire la référence suprême des Musulmans, surtout en ce qui concerne l'exégèse du Coran, l'explication de la Sunna et la solution des questions jurisprudentielles.
En tout état de cause, personne ne lui contestait ce pouvoir, puisque, même les trois premiers Califes-Biens-Dirigés faisaient appel à lui chaque fois qu'un problème ardu ayant trait aux domaines précités se posait à eux.(7)
Ainsi, si les partisans de la thèse du "respect scrupuleux du texte" ont accepté bon gré mal gré que le pouvoir officiel, le Califat, fût le résultat d'une forme de "chourâ", au lieu d'être confié à ses ayants droit légitimes et légaux, c'est-à-dire à l'Imam 'Alî et après lui, à ceux de ses Descendants, désignés chacun par son prédécesseur, comme le stipule le texte, ils restaient néanmoins fidèles à l'esprit du texte en considérant ceux-ci comme les seuls Imams légaux.
Après l'assassinat du 3e Calife, 'Othman Ibn 'Affan, les Musulmans désignèrent unanimement l'Imam 'Alî comme Calife. C'était donc la première fois que l'Imam légal et le Calife officiel étaient une seule et même personne. L'Imam 'Alî fut ainsi le premier Imam et le 4e Calife-Bien-Dirigé.
Il en fut de même après sa mort pour l'Imam al-Hassan, lequel devint 2e Imam et 5e Calife-Bien-Dirigé.
Désignation et accession au Califat
Le lendemain de la nuit où l'Imam 'Alî rendit l'âme (soit le 21 Ramadhân de l'an 40 de l'hégire) l'Imam Al-Hassan prononça à l'intention des Musulmans endeuillés un discours dans lequel il laissa entendre qu'il était prêt à assumer sa responsabilité et à prendre la direction de la Ummah:
«Cette nuit, un homme vient de mourir. C'était un homme que personne parmi les générations qui l'ont précédé n'a pu dépasser dans aucune action et que personne parmi les générations à venir ne pourra égaler dans aucune action. Il militait aux côtés du Messager de Dieu et le protégeait en exposant sa propre vie au danger. Le Messager de Dieu l'orientait par son étendard, Jibrâ'îl (l'Arachange Gabriel) se mettait alors à sa droite, et Mikâ'îl à sa gauche. Il ne revenait que lorsque Dieu accordait par lui la victoire (aux Musulmans).
Il est mort la nuit où Jésus, Fils de Marie fit l'ascension et où Youchi', Fils de Nouh, l'héritier présomptif de Moïse rendit l'âme, en ne laissant comme héritage en tout et pour tout que sept cents dirhams, le reste de sa paie, avec lequel il voulait obtenir un serviteur pour sa Famille.
»Je suis le fils de l'Annonciateur de Bonne Nouvelle. Je suis le fils de l'Avertisseur. Je suis le fils de celui qui appelle à Dieu avec sa permission. Je suis le fils du "Brillant Luminaire". Je suis l'un des Gens de la Maison que Dieu a dépouillés de toute souillure et purifiés totalement(8). Je suis l'un des Gens d'une Maison dont l'amour est imposé par Dieu dans son Livre où il est dit (à ce propos): "Dis! Je ne vous demande aucun salaire pour cela si ce n'est votre affection envers vos proches. A celui qui accomplit une belle action, nous répondrons par quelque chose de plus beau encore".(9) Or, cette belle action, c'est l'affection envers nous, Ahl-ul-Bayt».
Lorsque l'Imam al-Hassan termina son discours, 'Abdullah Ibn al-'Abbes vint auprès de lui et s'écria: «Ô masses de Musulmans. Voici le fils de la fille de votre Prophète et l'héritier présomptif de votre Imam. Prêtez-lui donc serment d'allégeance».
L'assistance approuva et dit: «Nous éprouvons beaucoup d'affection pour lui et il a beaucoup de droit sur nous».
Sur ce, tout le monde accourut et lui prêta serment d'allégeance en tant que nouveau Calife. Selon la règle en usage à l'époque, il devint donc officiellement et légalement le Cinquième Calife-Bien-Dirigé.
Dès son accession au Califat, il nomma les fonctionnaires et désigna les nouveaux gouverneurs des provinces. Et fait significatif, il procéda tout de suite à l'augmentation de la paie des soldats, mesure annonciatrice d'une mobilisation générale virtuelle. En fait, déterminé à s'acquitter parfaitement de sa tâche, il pensait que son devoir le plus pressant était de sauvegarder l'unité de la Ummah, donc de mettre fin à la rébellion de Mu'âwiyeh qui multipliait les coups de main contre l'autorité des représentants du Califat et à qui l'Imam 'Alî s'était apprêté à livrer la bataille finale avant qu'il ne tombât en martyr.
Pour sa part, Mu'âwiyeh, ayant appris la mort de l'Imam 'Alî et la désignation d'al-Hassan au Califat, décida d'agir rapidement et convoqua à cet effet ses conseillers et les dirigeants de ses partisans pour une réunion urgente dans son palais. Les congressistes décidèrent d'envoyer des espions et des fauteurs de troubles dans le territoire contrôlé par le Calife officiel afin d'y répandre des rumeurs discréditant la Famille du Prophète et vantant les mérites des Omayyades, espérant pouvoir ainsi mettre fin au Califat- Bien-Dirigé et instaurer à sa place un royaume dynastique Omayyade. Aussi constitua-t-il un réseau d'espionnage et dépêcha-t-il deux de ses agents, l'un de la tribu de Himyar, l'autre des Bani Qîr respectivement à Kûfa et à Basrah pour qu'ils s'infiltrent dans la population afin de s'informer de la situation et provoquer des troubles dans ces deux grands centres de l'Islam de l'époque.
Al-Hassan ayant découvert ce plan de subversion, mit les deux agents hors d'état de nuire et écrivit à Mu'âwiyeh pour l'avertir:
«Tu as glissé tes agents pour créer des troubles et commettre des attentats. Tu as, en outre, posté des guetteurs comme si tu voulais l'affrontement. Tu l'auras bientôt, si Dieu le veut».
Mu'âwiyeh répondit à cette lettre et d'autres correspondances s'en suivirent entre le Calife en titre et le rebelle ambitieux. Al-Hassan comprit qu'il ne pouvait faire entendre raison à Mu'âwiyeh qui ne voulait rien que le pouvoir. Dès lors, il était inévitable que le représentant officiel et l'Imam légal de la Ummah mobilise les Musulmans pour essayer d'enrayer l'action répréhensible de Mu'âwiyeh.
Mais avant de traiter du sujet de la mobilisation au combat, quelques questions se posent et s'imposent: qui était Mu'âwiyeh et comment a-t-il osé s'opposer à une notoriété islamique, une personnalité incontestable aussi prestigieuse que le petit-fils du Prophète, et lui disputer la direction de la Ummah?
Mu'âwiyeh, fils d'Abou Sufiyân, ou la haine noire des Omayyades envers la Famille du Prophète
Mu'âwiyeh s'était permis de s'opposer à la direction de l'Imam 'Alî puis à celle de l'Imam al-Hassan sous un prétexte fallacieux qui a pu tromper au début certains Musulmans et ébranler la sérénité de beaucoup d'autres, à savoir la recherche et la punition des assassins de 'Othman.
Mais bien entendu ce prétexte sans aucun fondement réel ne résistera pas longtemps à l'examen - bien que trop tard - puisque la suite des événements ne tardera pas à montrer que venger 'Othman était le cadet des soucis de Mu'âwiyeh, animé avant tout par un double sentiment: la haine et l'ambition, une haine noire et irréductible envers la Famille du Prophète et une ambition héréditaire pour le pouvoir.
Haine et ambition qui se traduiront respectivement et bientôt par l'instauration d'un royaume Omayyade héréditaire et par un traitement barbare et sanguinaire réservé aux membres d'Ahl-ul-Bayt et à leur adeptes, et qui démentiront catégoriquement le prétexte initial de Mu'âwiyeh pour motiver son action illégale contre les représentants et dirigeants légitimes de la Ummah.
Haine et ambition, enfin, d'autant plus profondes et tenaces qu'on peut les qualifier d'héréditaires, d'ancestrales et de séculaires.
Ecoutons à ce propos ce que dit l'écrivain égyptien 'Abbas Mahmoud al-'Aqqâd qui n'a pourtant rien d'un détracteur inconditionnel des Omayyades:
«Hâchim(10) et Omayah(11) rivalisaient déjà, avant la naissance de Mu'âwiyeh, pour le leadership; c'est ce qui poussa Omayyah, contraint et haineux, à quitter le Hijâz pour la Syrie alors que Hachim resta seul leader des Banu 'Abd al-Manâf(12) à la Mecque. Ce fut ainsi la première division entre Omayyades et Hâchimites: ceux-ci établissent leur fief au Hijâz, et ceux-là en Syrie.
»Plus tard la notoriété de Abou Sufiyân fils de Harb, fils d'Omayyah grandira au Hijâz où il jouira d'un leadership sublime à côté de celui des Hâchimites.
»Lorsque l'appel de Muhammad fut lancé, Abu Sufyân Ibn Harb Ibn Omayyah (le père de Mu'âwiyeh) eut des craintes pour son leadership et se mit à l'avant-garde de ceux qui combattaient le nouvel Appel.
Il est rare de trouver une bataille contre les Musulmans dans laquelle Abou Sufiyân n'eût pas sa part active dans la mobilisation des tribus et la collecte d'argent. Le hasard voulut qu'il restât pendant un temps le seul dirigeant de la tribu de Quraich dans la guerre qu'elle menait contre le Prophète. En effet, après la mort d'al-Walid Ibn Mughirah, le chef des Makhzoum, et la conversion des chefs de Taym et d'autres petits clans Quraychites à l'Islam, Asbou Sufiyân resta seul à la tête de la direction de la Jahiliyya(13) et des Omayyedes à affronter le Prophète et ses Compagnons parmi les Muhâjirine (les emigrants Mecquois) et Ançâr (les partisans Médinois).
L'enracinement de l'animosité chez les Omayyodes envers le Prophète atteignit un tel degré qu'Abou Lahab fut le seul parmi les oncles paternels du Prophète à comploter et à inciter les gens contre lui; et pour cause: il était marié à une Omayyade, Om Jamil Bint Harb (la propre sur d'Abou Sufyân) que le Coran désigna sous le surnom de "Hammâlat al-Hatab" (la porteuse de bûches) métaphore de l'effort qu'elle avait déployé en vue du mal et de l'attisement du feu de la haine.
»Abou Sufiân et son fils Mu'âwiyeh ne se sont convertis à l'Islam que lors de la Conquête de la Mecque. La conversion de cette famille fut la conversion la plus difficile qu'on ait connue après la Conquête. Ainsi, sa femme Hind Bint 'Otbah criait aux visages des gens, après la conversion de son mari à l'Islam: "Tuez cet homme bas, perfide, et vaurien. Quel détestable avant-garde d'un peuple!... Allez! Battez-vous! Défendez-vous et défendez votre pays!
»Abou Sufiyân considéra pendant longtemps la victoire de l'Islam comme une victoire sur lui. Un jour alors qu'il jetait sur le Prophète, dans la mosquée, un regard de perplexité et d'étonnement en se disant mentalement "comme j'aimerais savoir par quoi il m'a vaincu!", le Prophète qui devina la signification de ce regard s'approcha de lui... et dit: "c'est par Dieu que je t'ai vaincu, Ô, Abou Sufiyân!.
»Dans la bataille de Hunayn(14), Abou Sufiyân assistait à la première défaite des Musulmans et s'enthousiasmait: "Je ne crois pas qu'ils s'arrêtent avant de gagner la mer dans leur faite!", et on dit que dans les guerres contre les Romains chaque fois que ces derniers s'avançaient, il criait sa joie: "Bravo les fils du jaune"(15), et chaque fois qu'ils reculaient, il exprimait tout haut sa déception: "Malheur aux fils du jaune.
»Le Prophète avait fait tout son possible pour le rallier à la cause de l'Islam avant et après la conquête islamique. Il épousa sa fille Om Habibah avant la conquête, et après la conquête, il décréta l'immunité de sa maison: "Celui qui y entre est en sécurité...". Il le mit à la tête des "coeurs à rallier" à qui on augmentait la paie dans l'espoir d'éloigner de leurs curs la rancune due à la victoire de l'Islam.
»Mais malgré cela, les Musulmans l'évitaient. Ils refusaient de le regarder et de le fréquenter. Il finit par se lasser de cet isolement et voulut y mettre fin. Aussi pria-t-il le Prophète d'engager son fils Mu'âwiyeh comme scribe auprès de lui(16) et de lui donner l'ordre de combattre les polythéistes tout comme il combattait jadis les Musulmans.
»Puis le Prophète a rendu l'âme et un différend surgit entre les Muhajirine et les Ançâr et certains autres Compagnons à propos de sa succession. Abou Sufiyân s'est réjoui de ce trouble et a cru pouvoir opérer une brèche entre ses fissures, brèche qui le conduirait à prendre la direction des Quraich, et de là la direction de la Ummah tout entière.
Aussi s'est-il rendu chez (l'Imam) 'Alî et al-'Abbas (prétendants à la succession), dans l'intention de les inciter (à agir) et de leur proposer son aide en hommes et en chevaux: "Ô 'Alî! Et toi 'Abbas! Comment se fait-il que la succession soit revenue à la plus petite et la plus basse tribu de Quraïch! Par Dieu, si tu le désires, je l'inonde (Abou Bakr) d'hommes et de chevaux... (17)
»Sans doute, était-il loin de s'irriter de voir la succession échapper aux Bani Hâchim. Mieux il ne se serait guère réjoui de voir la succession revenir à eux, auquel cas il n'eût aucun espoir de la leur arracher. Tout ce qu'il voulait c'était raviver un différend par lequel il espérait ouvrir une porte le conduisant à la direction de Quraïch et de toute la Ummah.
»Sa malveillance n'échappa pas à l'Imam 'Alî qui lui rétorqua: "... Ô Abou Aufiyân...! Les Croyants sont les conseillers les uns des autres, alors que les hypocrites se trompent et se trahissent les uns les autres, même s'ils sont proches - de maisons et de corps - les uns des autres".
»Lorsque, enfin, 'Othman accéda au Califat, les Omayyades obtinrent une grande victoire, car il était l'un de leurs chefs et un proche cousin de leurs familles. L'Etat islamique devint un Etat Omayyade aux avantages et au gouvernement duquel personne d'autre que les Omayyades eux-mêmes ou leurs partisans ne pouvait accéder. Ainsi, Marwân Ibn al-Hakam, le Super Viser du Calife distribuait généreusement les biens à ses proches et en privait les masses.
Mu'âwiyeh Ibn Abu Sufiyân, le gouverneur de la Syrie s'entourait de proches et de partisans... Lorsque 'Othman mourut, les posses de l'Etat et ses biens étaient, pour ainsi dire, tous entre les mains des Omayyades et des parvenus à leur solde...». (18)
La haine d'Abou Sufiyân pour la Famille et l'ascendance du Prophète et même pour l'Islam qu'il assimilait à cette Famille était d'autant plus inextinguible que toutes les faveurs que le Prophète lui avaient accordées n'ont pas réussi à l'amadouer. Même après le décès du Messager. On aurait dit que c'était une haine noire indissociable de son existence. Lorsque le 3e Calife, 'Othman accéda au Califat, Abou Sufiyân crut pouvoir enfin prendre sa revanche contre la Famille qu'il n'avait jamais cessé de jalouser et contre les croyances auxquelles il l'identifiait:
«Le voilà (le Califat) enfin à vous, dit-il au nouveau Calife en guise de félicitations! Tiens-le donc comme un ballon et fais en sorte que les Omayyades en soient les épieux. Ce qui compte, c'est de régner. Je ne sais guère ce qu'est le Paradis et ce qu'est l'enfer...".(19)
Le tribalisme sectaire du père de Mu'âwiyeh l'empêchait de voir dans l'Islam un Message divin au-dessous de toute considération tribale et d'après lequel le meilleur des hommes est celui qui craint le plus Dieu et agit en conséquence. Pour lui le Message n'était autre que le règne, le pouvoir du clan du Prophète, à l'encontre duquel sa Famille éprouvait une jalousie chronique. En témoigne ce qu'il dit un jour en entrant chez 'Othman à l'époque de son Califat:
«Mon Dieu fasse que le Califat soit jahilite, le règne usurpateur, et les épieux de la terre, les Omayyades».(20)
Mu'âwiyeh sera-t-il moins ingrat que son père?! La faveur dont le Prophète le gratifia en l'amnistiant et en faisant de lui un de ses scribes - ce qui permit au 2ème Calife de le nommer par la suite Gouverneur de Damas - aura-t-il raison de l'esprit sectaire, tribal et haineux dans lequel son père considérait et regardait la Famille du Messager?!
Rien de moins sûr. Autant le sentiment de haine et de jalousie envers la Famille du Prophète était ancien chez les Omayyades, autant ce sentiment semblait profond chez Mu'âwiyeh. La démonstration en est ce récit incontestable de Matraf Ibn al-Mughirah Ibn Cho'bah, que l'histoire nous laisse comme un document irréfutable:
«Un jour, mon père revenant de chez Mu'âwiyeh (...) refusa de manger et me parut affligé. J'attendis une heure ainsi, pensant qu'il m'en voulait peut-être pour quelque chose qui se serait passé entre nous ou dans notre travail. Je finis par lui demander:
- Je te vois si affligé! Que se passe-t-il?
- Ô mon fils! Je viens de chez l'homme le plus perfide de du monde, dit-il.
- Comment cela? lui ai-je demandé.
- Voilà, lorsque j'ai dit à Mu'âwiyeh:
»Ô Commandeur des Croyants! Maintenant que tu as réalisé ce que tu désirais, essaie de te montrer équitable et bon. A présent, tu as vieilli. Tu pourrais faire preuve de bienveillance envers tes frères Bani Hâchim. Par Dieu, il n'y a rien que tu puisses craindre d'eux!», il me répondit:
- Jamais! Jamais! Le frère de Taym(21) a gouverné et il a été juste. Pourtant, par Dieu, dès qu'il est mort, sa mémoire a été enterrée avec lui. Puis, c'est le frère de 'Adi(22) qui a gouverné pendant dix ans. Pourtant, par Dieu, dès qu'il est mort, sa mémoire a été enterrée avec lui. Enfin c'était notre frère 'Othman qui a gouverné. C'était un homme d'un lignage au niveau duquel aucun homme ne pouvait s'élever.
Il a fait ce qu'il a fait, et on lui a fait ce qu'on lui a fait. Pourtant, par Dieu, dès qu'il est mort, sa mémoire a été enterrée avec lui, ainsi que ce qu'on lui avait fait. En revanche, le frère de Hâchim(23) est proclamé cinq fois par jour avec cette formule: "J'atteste que Muhammad est le Messager de Dieu". A part cela (la mémoire du Messager), toute autre action sera totalement enterrée!».(24)
Quel Musulman pourrait regretter avec un tel sentiment de frustration que l'on prononce pendant les cinq Prières quotidiennes (le pilier de l'Islam), le second volet de la profession de foi de l'Islam: "et j'atteste que Muhammad est le Messager de Dieu"? Quel tribalisme! Quelle conception de l'Islam et de la Prophétie!
Pis, si le père de Mu'âwiyeh, Abu Sufyiân, réduit à un homme sans pouvoir ni gloire depuis la victoire de l'Islam sur les Jahilites, ne pouvait que manifester sa haine envers la famille du Prophète, sans parvenir à lui porter réellement atteinte, Mu'âwiyeh, lui, par contre, fort de tous les pouvoirs qu'il avait su accumuler surtout sous le mandat du 3e Calife, a traduit ce sentiment haineux, en actes détestables qui font la honte de l'Islam, des Compagnons et de tout Musulman pieux!
Ecoutons ce que dit à cet égard al-'Allamah 'Aboul A'lâ al-MAWOUDI, qui n'épargne pourtant pas d'effort pour ménager Mu'âwiyeh:
«Une autre hérésie hideuse est apparue sous Mu'âwiyeh. Celui-ci et - avec lui et sur ses ordres - ses gouverneurs injuriaient notre maître 'Alî du haut de leurs chaires. Ce qui est plus grave encore, ils le maudissaient - lui qui était le plus aimé du Prophète parmi ses proches parents, et le plus proche de son noble cur - du haut de la Chaire de la Mosquée même du Prophète, devant la maison du Prophète et en présence des fils et des plus proches parents de notre maître 'Alî, lesquels entendaient ces injures».
Et d'ajouter, indigné:
«Injurier quelqu'un après sa mort est déjà une chose contraire à l'éthique humaine, et ce, sans compter qu'elle est aussi contraire à la Chari'a. Pis, mêler le Prône de la Prière du vendredi à de telles bassesses était du point de vue religieux et moral une action grossière et trop détestable».(25)
Poussant cette haine irréductible jusqu'à son paroxysme, Mu'âwiyeh n'a pas hésité à assassiner, décapiter et mutiler les cadavres de ces Musulmans pieux, de ces Compagnons augustes qui avaient pour seul tort de s'opposer à cette pratique abjecte et contraire à l'esprit et aux préceptes de l'Islam que constituait le fait de proférer des injures à l'égard de la Famille du Prophète lors de la prière du vendredi.
Là encore citons Aboul A'lâ al-Mawdoudi en gage d'impartialité:
«Cette pratique nouvelle - l'assassinat des Compagnons qui refusaient d'injurier l'Imam 'Alî a été inaugurée par Mu'âwiyeh avec l'assassinat, en l'an 41 H. de Hojr Ibn 'Adi, un Compagnon auguste, un adorateur ascète, l'un des plus grands, pieux de la Ummah.
En effet lorsque la pratique d'injures et d'invectives proférées du haut de minbar (chaire) contre l'Imam 'Alî fut instituée, les Musulmans des quatre coins du monde s'en étaient affligés tout en se taisant douloureusement. Toutefois, notre maître Hojr, n'a pu le supporter. Aussi s'est-il mis à louer l'Imam 'Alî et à critiquer sévèrement Mu'âwiyeh (...).
»Un jour, Ziyâd, le Gouverneur omayyade de Kûfa et de Basrah ayant retardé la prononciation du prône du vendredi (parce qu'il était occupé à injurier l'Imam 'Alî), Hojr protesta contre ce retard. Il fut tout de suite arrêté avec douze de ses compagnons. On les transféra tous au siège de Mu'âwiyeh. Celui-ci ordonna qu'on les tue.
Les bourreaux dirent à Hojr:
- Mu'âwiyeh nous a donné l'ordre de vous proposer de renier 'Alî et de le maudire. Si vous acceptez, vous serez libres; sinon nous vous tuerons.
Hojr et ses Compagnons refusèrent et dirent:
- Nous ne ferons pas ce qui courrouce Dieu.
»Sur ce, Hojr fut exécuté avec sept de ses compagnons. Mu'âwiyeh renvoya un autre des compagnons de Hojr à Ziyâd avec une lettre dans laquelle il lui demandait de le tuer de la façon da plus horrible. Ziyâd s'exécuta et l'enterra vivant!»(26)
Commentant cette atrocité de Mu'âwiyeh, Aboul A'lâ al-Mawdoudi écrit:
«Cet événement a fait trembler d'indignation tous les hommes pieux et bouleversa toute la Communauté Musulmane».(27)
S'il est difficile de trouver les mots justes pour qualifier la haine de Mu'âwiyeh envers les membres de la Famille du Prophète, les crimes barbares qu'il a commis contre eux sont encore plus inqualifiables. Poursuivant son énumération des sauvageries commises par les gouverneurs de Mu'âwiyeh avec son consentement ou à son instigation, Aboul A'lâ al-Mawdoudi ajoute:
«Plus injuste encore, était ce que Bosr Ibn Arta'ah a commis lorsque Mu'âwiyeh l'a envoyé au Hijâz et au Yémen pour les arracher au contrôle de notre maître 'Alî (le Calife en titre). Il a arrêté deux petits enfants de 'Obeidullah Ibn 'Abbas, le gouverneur de Yémen, représentant d'Ali, et les a tués.
»Leur mère a perdu la tête, traumatisée par le choc. Une femme de Bani Kanânah, voyant cette injustice, s'est écriée (à l'adresse de Yosr):
- Tu as tué les hommes, d'accord. Mais pourquoi ces deux enfants! Par Dieu, pas plus à l'époque jahilite que sous l'Islam, on n'aurait jamais commis un tel acte. Ô fils d'Abi Arta'ah! Un pouvoir qui ne s'établit que par l'assassinat impitoyable d'enfants et de vieillards, et par l'ingratitude envers le prochain est un pouvoir de mal.
»Mu'âwiyeh ne s'arrêta pas là. Il envoya par la suite ce même Bosr, à la tête d'une expédition contre Hamdân - sous le contrôle du gouvernement de 'Alî. Là, il ajouta à ces autres crimes celui de mettre en captivité les femmes Musulmanes arrêtées à la suite d'une bataille, ce qui est strictement interdit par le Chari'a (...).
»C'était là une proclamation publique de la liberté totale - accordée aux gouverneurs et aux commandants - de la pratique de l'injustice envers les peuples sans s'embarrasser d'aucune loi de la Chari'a».(28)
Non content de sévir de la sorte contre les femmes et les enfants innocents de la Famille du Prophète et de ses partisans, Mu'âwiyeh encouragea la mutilation de leurs cadavres, comme pour exorciser la haine qui le rongeait contre cette Famille bénie. Citant Ahmad Ibn Hanbal et Ibn Sa'ad, Aboul A'lâ al-Mawdoudi constate:
«De même, à cette époque (de Mu'âwiyeh) s'est répandue la décapitation de cadavres et l'envoi des têtes coupées d'un lieu à un autre. En outre on a assisté au retour d'une pratique courante à l'époque jahilite, que l'Islam avait interdite catégoriquement: les méthodes les plus horribles de profaner et de mutiler les cadavres. La première tête coupée - sous l'Islam - fut celle de notre maître Ammâr Ibn Yâcir.
En effet, Ibn Hanbal a rapporté dans son "Mosnad" d'après une chaîne de transmission saine (Çahih) - ainsi que Sa'ad dans "Al-Tabaqât"- un récit relatant comment la tête de notre maître 'Ammâr fut coupée pendant la guerre de Çiffîne et amenée à Mu'âwiyeh à Damas où elle fut l'objet d'une exposition itinérante, avant d'être jetée dans le giron de sa femme...»(29)
«On fit subir le même sort sauvage et horrible à Muhammad Ibn Abi Bakr gouverneur d'Egypte, nommé par notre maître 'Alî. Lorsque Mu'âwiyeh s'empara de l'Egypte, il le tua, mit son cadavre dans la peau d'un âne mort et le brûla».(30)
Après avoir énuméré les exemples de mutilation et de profanation de cadavres, pratique devenue monnaie courante chez les Omayyades depuis que Mu'âwiyeh l'avait inaugurée, Aboul A'lâ al-Mawdoudi conclut par cette interrogation indignée:
«Même si on oublie que ces gens dont on a mutilé et profané les cadavres après leur mort étaient de grandes figures augustes Musulmanes, on doit se poser la question suivante: Est-ce que l'Islam a autorisé cette pratique même contre les mécréants...»(31)
Si ces crimes abominables dont l'Islam refuse la perpétration même contre ses pires ennemis, s'expliquent par la haine héréditaire que les Omayyades vouaient à la Famille du Prophète de l'Islam et à ses fidèles, cette même haine semble susciter chez ses tenants un sentiment d'irrespect envers les prescriptions du Message qu'Abou Sufiyân considérait - comme nous l'avons vu - comme une affaire personnelle des Bani Hâchim.
Soulignant comment les "rois-califes" omayyades n'ont pas hésité à "passer outre les prescriptions et les restrictions de la Chari'a pour préserver leurs intérêts personnels, servir leur politique personnelle et surtout pour conserver leur pouvoir", et comment ils ne se souciaient guère de distinguer "le licite" de "l'illicite", Aboul A'lâ al-Mawdoudi écrit:
1- «Selon Ibn Kathîr, Mu'âwiyeh a changé la Tradition du Prophète et des Califes-Bien-Dirigés en ce qui concerne la "diyyah"(32). Ainsi alors que la "diyyah de Mu'âhid(33) était égale à celle du Musulman, Mu'âwiyeh l'a réduite à la moitié, conservant l'autre moitié pour lui-même».(34)
2- «De plus, Mu'âwiyeh a enfreint de façon flagrante le Livre de Dieu et la Sunna du Prophète quant à l'argent des butins. Alors que le Livre de Dieu et la Sunna du Prophète stipulent que le cinquième du montant des butins doit aller à la Trésorerie et que le quatre cinquième restant doit être réparti entre les soldats qui ont participé au combat, Mu'âwiyeh a donné l'ordre d'exclure l'argent et l'or des biens du butin, pour se les attribuer, et de distribuer seulement les autres composants dudit butin selon la règle légale».(35)
3- «De même, Mu'âwiyeh a commis - pour des raisons politiques personnelles - une infraction à l'une des évidences de la noble Chari'a, lorsqu'il a rattaché Ziyâd Ibn Somayyeh à son lignage. En effet ce dernier était le fils d'une esclave de Tâ'if nommée Sommayyeh.
II est né d'un accouple-ment adultérin qui eut lieu avant l'avènement de l'Islam, entre cette femme et Abou Sufiyân, le père de Mu'âwiyeh (...) Voulant soumettre à lui ce garçon devenu un homme doué, et désirant en faire son protecteur et son soutien, Mu'âwiyeh fit venir deux témoins pour attester que Ziyâd était le fils naturel de son père, donc son propre frère et un membre à part entière de sa famille.
Or, outre le fait que cette action était en soi détestable sur le plan moral, elle était illégale sur le plan juridique, car la Chari'a ne reconnaît pas la filiation adultérine et le jugement émis par le Prophète à ce sujet ne laisse aucune équivoque: "Le fils est issu du lit conjugal, alors que la liaison adultérine exclut tout droit à la filiation"».(36)
Ainsi, le fils d'Abou Sufiyân qui dissimulait à peine ce mépris pour les nobles principes de la Chari'a qu'avait apportée le Prophète Hâchimite, n'était pas quelqu'un que le prestige de l'Imam al-Hassan et sa haute position dans la Ummah arrêtaient. Tout au contraire, le fait d'avoir pour adversaire, le petit-fils du Prophète, semblait lui fournir l'occasion idéale d'étancher sa soif de pouvoir et d'assouvir la haine Ommayade envers celui qu'il considérait au plus profond de lui-même comme l'héritier de tous ceux qui avaient réduit les siens au rang de Tulaqâ'(37)
Notes :
1. . Les Khârijites = sécessionnistes = une partie de l'armée de l'Imam 'Alî, qui s'est révoltée contre l'autorité de celui-ci, lors de la Bataille de Çiffine, parce qu'elle refusait "l'arbitrage" (entre les deux armées belligérantes) que l'autre partie de cette armée avait accepté. Les Khârijites devinrent, à la suite de cet incident, hostiles aussi bien au Califat légal de l'Imam 'Alî qu'à son contestataire, Mu'âwlyeh.
2. . M. J. Fadhlallah, op. cit., p. 20.
3. . Voir autre: - Al-Tabarsi, "A'lâm al-Warâ, 3e éd. pp. 206 et suivantes:
- "Al-Bihâr", tom. 42, p. 250
- Al-Qarachi, "Hayât al-Hassan Ibn 'Alî", tom., p. 515.
4. . Le Califat de l'Imam al-Hassan a duré sept mois et 24 jours. (Voir: "Çulh al Hassan", Cheikh Râdhî Âl Yassîn, éd., Manchourât Nâçir Khosraw, Beyrouth, p. 31.
5. . Voir le texte de ces hadith et leurs références dans "Le Chiisme, Prolongement naturel...", M. Baqir al-Çadr, op. cit.
6. . Mais sans jamais y renoncer.
7. . Pour plus de détails sur le fait que les dits Trois Califes recouraient à l'Imam 'Alî chaque fois qu'un problème jurisprudenciel épineux se posait à eux. Voir: M. Baqer al-Çadr, "Le Chiisme, Prolongement...", op. cite., p. 83, et 'Abbas Mahmoud al-'Aqqâd, dans "Al-'Abqariyyât al-Islâmiyyet", tom. II.
8. . Allusion au Verset coranique suivant: «... Ô vous, les Gens de la Maison! Dieu veut éloigner de vous la souillure et vous purifier totalement», (Sourate al-Ahzâb: 33: 33)
9. . Sourate al-Chourâ, 42: 23. Al-Hassan évoque ici le Verset coranique qui impose aux Musulmans l'amour de la Famille du Prophète. En effet, selon Abi Hayyân al-Andalocî dans "Al-Bahr al-Muhît" et Ismâil Haqqi dans "Rûh al-Bayân", lorsque ce Verset fut révélé au Prophète on lui demanda: «Ô Messager de Dieu! Qui sont tes proches que nous avons l'obligation d'aimer?». «'Alî, Fâtima, al-Hassan et al-Hussayn» répondit le Prophète. Voir: "Al-Tafsîr al-Mubîn", M. J. Maghniyah, 2e éd., 1403 h. (1983), p. 642.
10. . Hâchim et Omayyah sont les ancêtres respectifs des Bani Hâchim (le clan du Prophète, de l'Imam 'Alî et de leurs descendants communs) et des Bani Omayyeh (les Omayyades), le clan d'Abou Sufiyân et de ses descendants dont fait partie, bien entendu, son fils Mu'âwiyeh.
11. . Voir: Note précédente
12. . Les ancêtres communs des deux clans précités ( les Bani Hâchim et les Bani Omayyah).
13. Les gens du pré-islam, les idolâtres
14. . Hunayn est une vallée entre la Mecque et Tâëf. C'est là que Mâlik Ibn 'Awf al-Nâçri rassembla les tribus de Hawâzen pour combattre les Musulmans après la Conquête de la Mecque. La bataille eut lieu en l'an 8 de l'hégire (630 ap. J. -Christ). Elle fut dirigée par le Prophète. Les Musulmans en sortirent victorieux. (Voir: "Al-Munjid"; partie historique).
15. . Nom donné aux Romains par les Arabes.
16. . C'est-à-dire auprès du Prophète, dans l'espoir de gagner la sympathie des Musulmans et d'exorciser leur méfiance ou leur mépris à son égard.
17. . C'est-à-dire: «Je te fournirais suffisamment d'hommes et des chevaux pour assaillir et déborder les forces d'Abou Bakr».
18. "Abqariyyât islâmiyyeh", tom II, 'Abbas Mahmoud al-'Aqqâd, op. cit., pp. 170.
19. . M. J. Fadhlallah, op. cit., p. 126
20. . id. ibid., p. l27.
21. . C'est-à-dire le premier Calife: Abou Bakr.
22. . C'est-à-dire le second Calife: 'Omar Ibn al-Khattâb.
23. . C'est-à-dire le Prophète Muhammad.
24. . M. J. Fadblallah. op. cit., p. 128 (citant "Murûj al-Dhahab" et "Ibn Abi Hadid").
25. . "Al-Khilâfah wal-Mulk" (Le Califat et le Royaume), A. A'lâ al-Mawdoudi, Dâr al-Qalam, Kuwait, 1e éd., 1398 h. (1978), p. 113.
26. . id. ibid., p. 105.
27. . id. ibid.
28. . id. ibid., p. 115.
29. . id. ibid., pp. 115-116.
30. . id. ibid.
31. . id. ibid., p. 117.
32. . tribut
33. . Celui qui est lié par un accord de paix avec les Musulmans.
34. . Al-Mawdoudi, op. cit., p. 112
35. . id. ibid., p. 113
36. . id. ibid., pp. 113 - 114.
37. . Les polythéistes mecquois qui combattirent les Musulmans jusqu'à la conquête de la Mecque et que le Prophète amnistia.
La Biographie de l`Imam al-Hassan (P)
L’Imam Al Hassan (P) est le premier petit-fils du Prophète de par sa mère Fatimâh mais aussi le fils aîné du Prophète de par son père ‘Ali (P) qui selon Mohammed (P) « est de lui et lui est de ‘Ali ». Rappelons à ce propos que lors de l’ordalie (Mubahilah) qui opposa le Prophète aux chrétiens de Najran, Muhammad (P) appela Al Hassan (P) et Al Hussein (P) là où Dieu lui demandait d’appeler ses fils, l’Imam ‘Ali (P) pour « nous-mêmes » et Fâtima (P) pour « nos femmes ».
Il est né à Médine le 15 du mois de Ramadhan de l’an 3 après l’Hégire alors que le Prophète avait 56 ans.
Ce dernier fut immédiatement averti et se rendit aussitôt auprès de Fâtima (P). Il prit l’enfant et l’embrassa puis demanda au père, l’Imam ‘Ali (P), le nom de son enfant. ‘Ali (P) lui répondit de la même manière qu’il venait de répondre quelques instants plus tôt à sa femme lorsqu’elle lui posa la même question : « je ne peux pas devancer le Prophète (P) de Dieu que tu es. ».
Et le Prophète (P) de lui répondre : « Moi non plus, je ne peux pas devancer Dieu. » C’est alors que l’Ange Jîbril (P) apparut au Prophète (P) pour lui annoncer le nom que Dieu avait donné à l’illustre enfant : Al Hassan (P). Un nom que personne n’avait porté jusque là dans toute l’Arabie.
Dans l’oreille droite du nouveau-né le Saint Prophète récita l’Appel à la prière (Al Azan) puis dans l’oreille gauche l’annonce de la prière (Al iqâma).
Au septième jour de la naissance de Al Hassan (P), le Prophète égorgea un mouton. A la femme qui assista Fâtima (P) dans son accouchement il remit une partie du mouton et un dinar pour lui exprimer sa joie et sa reconnaissance. Il fit également raser la tête du divin enfant et donna en aumône la valeur d’un poids d’argent (métal) équivalent à celui des cheveux coupés.
A la place du sang avec lequel les arabes de l’époque enduisaient le corps d’un nouveau-né, le Prophète (P) utilisa les huiles mélangées de Khaloûq et de safran. Puis il circoncit l’enfant.
Al Hassan et son petit- frère Al Hussein (P) – qui naquit un an après lui – grandirent sous l’aile protectrice et l’amour infini du Prophète (P). Un hadith de Abu Huraïra rapporté par l’Imam Ahmad Ibn Hanbal nous raconte cette anecdote :
« Un jour que le Prophète (P) se promenait avec ses deux enfants, un arabe, qui l’observait depuis un bon moment lui fit la remarque suivante :
- ô Prophète (p) de l’Islam, tu ne cesses d’embrasser ces enfants. Je sens que tu les aimes au plus haut point. Et le Prophète de lui répondre :
- Je jure que je les aime et celui qui les aime m’aimera et celui qui les déteste me détestera. »
De même qu’il répondit à un autre qui lui reprochait cette fois ce noble élan :
« Je consacrerais toujours le temps qu’il faut pour donner à ces enfants tout l’amour que je nourris pour eux. Quant à toi ce n’est pas de ma faute si Dieu t’a enlevé du cœur toute affection. »
Même dans la prière – moment de vérité absolue chez le musulman a fortiori chez le Prophète (P) – il lui arrivait que l’un de ces enfants soit sur sa nuque alors qu’il avait le front par terre. Il attendait simplement que l’enfant se dégage pour se soulever.
Les deux frères tirèrent de leur proximité avec le Prophète (p) une éducation sans faille sous-tendue par une instruction tout aussi vaste que dense embrassant tous les domaines de la Connaissance. Cela se passa ainsi jusqu’à la disparition du Prophète (P) à l’âge de 8 ans pour Al Hassan (P) et 7 ans pour Al Hussein (P). C’est alors que l’Imam ‘Ali (P) prit la relève auprès de ses illustres enfants.
Al Hassan (P) ressemblait beaucoup au Prophète (P) tant au plan physique que moral. Il était très actif auprès du Prophète (P) et plus tard auprès de son père l’Imam ‘Ali (P). Ceci contrairement à ce que l’on a pensé de lui et que certains ouvrages et autres traditions ont pu le soutenir lui prêtant des attitudes de personnage débonnaire, sans forte personnalité.
Il suffit pour s’en convaincre de se rappeler le rôle de preux défenseur qu’il joua en compagnie de son frère Al Hossein (P) devant la porte du Palais de Usmân quant ce dernier se trouva menacé par une foule de musulmans révoltés ayant à leur tête Mohammed fils de Abu Bakr.
Un second exemple parmi d’autres est sa grande capacité mobilisatrice et de combattant lors des deux campagnes[30] que mena son père contre les armées de Moâwiyah et de Aïcha en vue des batailles respectives de Jamal et de Cifayin.
L’Imam Al Hassan (P), digne fils de l’Imam ‘Ali (P), était un guerrier redoutable mais également un fin stratège. Il savait que le grand dessein de Moâwiyah, après la mort de l’Imam ‘Ali, était l’extermination de tous les descendants du Prophète (P). Il s’arma de cette certitude mais aussi de la Parole de son Père le Prophète (P) de l’Islam qui avait prédit que Al Hassan (P) et Al Hussein (P) étaient tous deux Imams qu’ils soient « assis » ou « debouts ».
En effet, pour sauver la descendance du Prophète (P) et tous les musulmans véridiques qui leur étaient restés fidèles de l’infâme dessein de Moâwiyah, il fut amené à se faire violence en acceptant, à travers la négociation avec Moâwiyah, d’être l’Imam des deux qui était « assis ».
Ses forces militaires réduites et l’héritage affaibli dont il disposait ne lui permettaient pas de s’opposer à Moâwiyah qui avait acheté avec l’argent de Beytul-mâl (ou encore Trésor Public) de nombreux notables et chefs de guerres de la région.
Cette situation ajoutée à la révolte des Khârijîtes contre tous les dirigeants (‘Ali et Moâwiyah), à la dislocation de l’armée de l’Imam ‘Ali (P) à la suite des batailles de Cifayin, Jamal et Nahrawân, à la forte affliction causée par la mort de son père ‘Ali (P), tout cela mis ensemble justifiait amplement le choix hautement stratégique et combien sage de l’Imam Al Hassan (P) qui décida donc de négocier, répétons-le, malgré lui.
Le traité qu’il signa avec Moâwiyah stipulait clairement qu’aucun Calife ne pouvait avoir autorité sur lui Al Hassan (P), ensuite que les partisans de l’Imam ‘Ali (P) ne pouvaient faire l’objet d’une chasse aux sorcières et encore moins persécutés, que les injures et calomnies proférées jusque-là sur la descendance du Prophète (P) dans les mosquées et autres lieux publics étaient immédiatement proscrites.
Certains musulmans protestèrent tandis que l’Imam Al Hussein (P), lui, accepta comme toujours les décisions de son frère qui, selon sa conception se devait « d’être assis » en ce moment et qu’au moment opportun il devra, lui Al Hussein (P) « rester debout ».
Moâwiyah ne respecta pas ses engagements. Il fit même pire en envoyant une femme du nom de Ja’âda, fille de la sœur de Abu Bakr, pour empoisonner l’Imam Al Hassan (P). Il lui promit de la marier à son fils Yazid, de lui offrir son poids en or, etc. Évidemment une fois la tâche accomplie, comme à son habitude, il ne tint aucune de ces promesses.
C’est ainsi que l’Imam Al Hassan (P) devint martyr à Médine le 28 du mois Safar de l’an 50 après l’Hégire. Il fut enterré à Baqia (Médine) loin de son grand-père le Prophète (P) de l’Islam. Et comme tous les Imams de la Sainte Lignée il prit le soin avant de mourir de désigner l’Imam Al Hussein (P) comme son successeur désigné par Dieu et tel que le lui ont indiqué ses prédécesseurs, le Prophète Muhammad (P) et l’Imam ‘Ali (P).
Nous n’avons retracé là qu’une infime partie de la vie de l’Imam Al Hassan (P) qui pourrait faire l’objet de plusieurs livres. Son importance dans l’histoire de la succession méritait cependant qu’on fasse ce petit détour.
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